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la chronique galante et les mœurs d’autrefois. Sa mémoire était remplie d’anecdotes légères, de bons mots à l’ambre et à l’ail, de propos de ruelles et de boudoirs ; de tous ces petits faits que dédaigne l’histoire, mais que recueillent les du Hausset et les folliculaires pour la plus grande joie des courtisans et des oisifs. Mlle de La Ralphie aimait beaucoup ces propos sémillants où brillait la frivolité de cette société pour qui l’amour n’était plus, selon le mot connu, que « l’échange de deux fantaisies et le contact de deux épidermes ». Sans se départir de ses vieilles formes pleines d’urbanité, le commandeur avait cette hardiesse des gens qui se croient au-dessus des bienséances vulgaires, et il avait gardé ce secret du dix-huitième siècle de dire tout, ou à peu près, d’une façon décente. Valérie était enchantée qu’il ne la traitât pas en petite fille ; et, comme sa curiosité était grande, le soir, après dîner, elle se plaisait à stimuler, par ses questions et des petits verres de curaçao des îles, la verve de M. de Lussac, qui s’épanchait alors en anecdotes dont le fond, quelquefois scabreux, s’entrevoyait à travers la gaze légère du récit.

Un soir, le commandeur ayant bien dîné, enfoncé dans un fauteuil, ses longues jambes croisées, un verre de liqueur à sa portée sur un guéridon, faisait, d’un coup sec, tourner entre ses doigts sa tabatière d’argent armoriée et dissertait sur son sujet favori, la généalogie des familles nobles du pays :

« En somme, concluait-il, la noblesse périgourdine, abstraction faite d’une tourbe d’intrus qui ne fait illusion qu’au populaire imbécile, est aussi ancienne et de bon aloi qu’en aucune province. Elle a même, sur beaucoup d’autres, l’avantage précieux d’avoir dans ses veines, mêlé du vieux sang bleu, un sang illustre, du sang royal !