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cendante bienveillance de l’autre. Sans doute, il était beau, beau d’une beauté mâle qui lui mordait la chair lorsqu’elle le voyait, et qui, troublant parfois ses nuits, la faisait descendre en pensée jusqu’à lui. Mais ce consentement intime, bientôt étouffé par sa fierté, il ne restait plus que l’orgueilleuse satisfaction de se sentir le pouvoir de disposer de Damase à son gré, sans aucune obligation de retour.

Lorsqu’elle fut passée, le jeune homme resta là, songeur, sans voir la suite du cortège, qui en valait la peine cependant.

Après les sœurs du couvent venaient les thuriféraires avec leurs encensoirs fumants, balancés en cadence, et les fleuristes portant suspendue au col une corbeille pleine de feuilles de roses. Au signal frappé par l’abbé Dutour, maître des cérémonies, en surplis à ailes qui flottaient derrière lui, cette théorie d’enfants vêtus d’aubes blanches plissées au fer à repasser et ceints de larges rubans rouges moirés, évoluait, formait des figures diverses et faisant face en arrière, envoyait des bouffées d’encens et une pluie de fleurs vers le Saint-Sacrement porté par l’abbé Turnac, qui, bien abrité du soleil par le dais de velours rouge, suait pourtant sous sa lourde chape dorée. Le dais était précédé, sur chaque file, des chantres, de l’ophicléide, du serpent, et porté par six pénitents en cagoule blanche que leurs confrères relayaient de temps en temps. Les cordons étaient tenus par M. le maire, un médecin voltairien, qui faisait des concessions aux convenances mondaines et religieuses, comme son patron ; par M. de Brossac, digne et solennel, en habit bleu de roi à bouton d’or ; par M. Decoureau, important et ridicule avec sa haute cravate de mousseline où se noyait son menton, et son chapeau à la Bolivar avec lequel il s’abritait