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la pauvre Mme  Boyssier, elle n’avait pas même un grand chagrin, mais ressentait plutôt un sentiment indéfinissable où dominait le regret égoïste de n’avoir plus, à l’avenir, sous sa main, pour ainsi dire, un dévouement absolu, une fidélité canine qui ne demandaient rien, rien que l’occasion de s’affirmer. Lorsqu’elle passa près de l’endroit où Damase se tenait d’habitude pour la voir, elle jeta un coup d’œil sur lui. Dans ses yeux, elle lut les sentiments qu’elle était accoutumée d’y trouver, une adoration aveugle pour l’idole qui trône à une hauteur inaccessible. Pourtant il lui sembla qu’à cette adoration, jusqu’alors humble et soumise, se mêlait quelque secret désir.

C’est que Damase n’était plus l’adolescent ignorant d’autrefois. Il ne pouvait s’empêcher d’associer au sentiment profond qu’il éprouvait pour Valérie le souvenir des plaisirs que lui avait fait goûter Mme  Boyssier, et la réunion de ces deux manifestations de l’amour en la personne de Mlle  de La Ralphie lui apparaissait vaguement comme la suprême félicité terrestre.

En vérité, elle était bien faite pour éveiller de ces pensées, la jeune fille, car elle était belle, dans l’épanouissement radieux de ses seize ans. Sous ses vêtements blancs, légers et flottants, grande, bien formée, le regard assuré, elle avait l’air non d’une vierge ignorante, mais d’une épouse allant vers le bien-aimé.

Elle médita sur ce regard pendant que la procession se déroulait lentement à travers les rues de la ville. Certainement, elle avait dû se méprendre : entre la noble demoiselle de La Ralphie et Damase Vital, l’enfant trouvé, il ne pouvait y avoir de commun qu’une prosternation humble d’un côté, une condes-