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et places où devait passer la procession, celle-là seule n’était pas tendue : ce n’était guère, et, cependant, cette unique exception exaspérait les dévots. Des voisins et des dames pieuses du quartier s’étaient offertes, avaient proposé de fournir les cordes, les draps, les fleurs, et de tendre eux-mêmes la maison ; mais Damase avait refusé :

— Elle restera comme au temps de Caïus, répondit-il aux obligeants voisins.

L’attente fut longue, mais, enfin, au tournant du quai, apparut le suisse Gardillac, tailleur de son état, habillé en général de troupe foraine, sa hallebarde à la main. Derrière lui, sur deux rangs écartés, marchaient lentement les fidèles endimanchés : paysans avec de grands cols de chemise empesés, bonnes femmes en coiffes blanches ou en mouchoirs à carreaux, égrenant leur chapelet. Puis, les artisanes, en bonnet de linge et les dames de Fontagnac en toilettes claires avec tous leurs bijoux, s’abritant du soleil sous une ombrelle à franges. Parmi ces dames était Mme  Boyssier qui jeta à Damase un coup d’œil furtif et triste qu’il saisit comme au vol. Çà et là, entre les deux rangs, marchaient les bannières des confréries, des archiconfréries et des corporations même, car celle des compagnons de saint Crépin était là portée par un savetier jovial et gaillard comme le sire Grégoire du bonhomme La Fontaine. Ensuite, venaient les enfants des frères, et, après, les pensionnaires du couvent et les chanteuses, dont les voix douces s’élevaient en l’air avec les fleurs et la fumée de l’encens, au milieu du bruit sourd des pieds traînant sur les pavés. Valérie était là, avec Liette, précédant immédiatement la mère Sainte-Bathilde et songeant au départ de Damase. Elle n’éprouvait pas cette brève douleur qui torturait