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Des enfants apportent des faix de buis que fournit abondamment la colline voisine et font une jonchée aux abords du reposoir. D’autres effeuillent des roses, que, pendant la procession, leurs mains d’une innocence problématique, feront pleuvoir au-devant de l’ostensoir. L’émulation de la gent dévote produit quelquefois des choses bizarres, car il arrive, de temps en temps, que les objets apportés pour décorer le reposoir ont une destination ou un caractère profane trop accentués. C’est ainsi qu’une année, Mme  Laugerie avait prêté un vase en porcelaine de Limoges sur lequel l’artiste avait peint une bergère galamment troussée surprise par un Némorin en culotte courte.

Cette année-ci, précisément, le bureau de tabac avait fourni au reposoir de la place Mage un de ces énormes et antiques pots à tabac décorés qui font le bonheur des collectionneurs de vieilles faïences, et l’on avait disposé dedans une grosse gerbe de fleurs qui ne faisait pas un mauvais effet, seulement, on pouvait lire sur le pot, imparfaitement dissimulé, le mot : Tabac, en grosses lettres bleues et jaunes.

Le matin, lorsque Damase se leva assez tard, les cloches sonnaient, comme affolées, dans les deux clochers de la ville, et cette sonnerie inaccoutumée lui rappela la fête. Il fut heureux de cette circonstance qui lui permettait de revoir Valérie, et il attendit avec impatience la sortie de la procession. Les rues étaient jonchées de buis et de fenouil et toutes les maisons tendues de draps de lit ornés de guirlandes ou piqués avec des épingles de roses et de fleurs diverses. Seule, l’ancienne maison du défunt Caïus faisait tache au milieu de ces splendeurs et restait grise et nue comme une protestation muette contre l’idolâtrie des gens de Fontagnac. De toutes les rues