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Et après avoir passé la médaille au cou de Damase, ému par cette foi naïve et aimante, elle le serra convulsivement sur son pauvre cœur, gros de chagrin, et lui mit un dernier baiser au front :

— Adieu ! Tu emportes ma vie, mon enfant bien-aimé !

Le lendemain était le jour de la Fête-Dieu, fête solennelle à Fontagnac, où on s’y prépare longtemps à l’avance. Les dames de la bourgeoisie occupent leur oisiveté à fabriquer des ornements d’un goût souvent contestable : fleurs artificielles, guipures en papier, bobèches bleu de ciel ou rose tendre, et autres colifichets de ce genre. Sur la place de l’église et dans les rues, le sacristain exerce les thuriféraires ébouriffés, avec de vieilles bouteilles à encre ou d’anciens cruchons de curaçao, attachés au bout d’une ficelle, en guise d’encensoirs, et on entend à satiété le bruit de son signal en forme de livre qui commande les manœuvres. Il y a entre les dévotes de chaque quartier une rivalité pour les reposoirs. C’est à qui fera le plus beau, et le suffrage de ces Messieurs prêtres en décide, non sans appel, car les vaincues crient à la faveur, à la partialité et se livrent à des insinuations peu charitables. Le matin de ce beau jour, sortent des maisons bourgeoises les tapis qui recouvrent les marches des autels improvisés ; les vases qui les décorent, les images de piété qui les embellissent, les dentelles qui ornent la nappe, les tapisseries fanées qui cachent le vieux mur décrépi auquel s’adosse le reposoir. Les vieilles filles apportent les pots de fleurs qui s’étagent sur les marches, entourés de cache-pots ; les jeunes filles mettent dans les vases des bouquets de roses, de lis, d’œillets, de julienne et suspendent les guirlandes qui s’entrecroisent au-dessus du reposoir et l’entourent.