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Est-ce qu’ils ne lui avaient pas fait donner l’ordre d’escorter le dais avec ses hommes le jour de la Fête-Dieu !

Après cette entrée en matière, le maréchal des logis entama un chaleureux éloge du 2e chasseurs d’Afrique. Sans doute, il y avait d’autres régiments de la même arme, tous solides, il n’en voulait pas dire du mal, au contraire ; mais c’était un fait bien reconnu dans l’armée, le plus crâne, c’était le 2e. Et il commença l’interminable récit des expéditions qu’il avait faites avec son régiment, des affaires, auxquelles il avait assisté ; le tout avec force détails, émaillant son narré d’expressions soldatesques, de termes pittoresques empruntés à cette langue franque dont on se sert là-bas et qui fait croire aux Français qu’ils parlent l’arabe et aux Arabes qu’ils parlent le français.

Damase, ébahi, entendait revenir à chaque instant tous ces mots qu’il ne comprenait pas : moukala, gourbi, razzia, arbi, moukaire, frichti, kif-kif…, et le brave homme allait toujours. Ah ! quelle bonne existence ! Partir dans la nuit, faire ses douze ou quinze lieues sur ces bons petits poulets d’Inde qui ne connaissent pas la fatigue et surprendre, à la pointe du jour, un douar ennemi. La poudre parlait ; les cavaliers arabes s’efforçaient d’arrêter les chasseurs pendant que les femmes et les enfants, sur les chameaux filaient vers le désert. Et puis, c’était les troupeaux qui fuyaient dans la plaine ; mais, comme on les ramassait en demi-cercle ! Quelles razzias on faisait ! Un mouton pour quatre hommes et on ne mangeait que les gigots ! Le reste des troupeaux était vendu aux mercantis qui suivaient la colonne comme des chacals en quête de quelque proie ; et il y avait encore douze ou quinze francs par homme à fricoter, lorsque l’on rentrait à Oran.