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prendre un métier, car, avant d’être compagnon sur le tour de France, il lui faudrait tirer au sort, et, s’il amenait un mauvais numéro, partir pour sept ans. Dès lors, pourquoi ne s’engagerait-il pas ? Cette idée lui souriait, parce que sans se l’avouer, il entrevoyait vaguement dans l’avenir la possibilité d’une sorte d’anoblissement par les armes qui le rapprocherait de Mlle de La Ralphie.

Le maréchal des logis de la gendarmerie de Fontagnac était un brave homme qui avait témoigné quelque intérêt à Damase. Quoique obligé de cacher ses sentiments, il détestait les prêtres et trouvait crâne l’attitude de ce garçon qui ne craignait pas de leur dire leur fait. Lors de la scène entre le clerc et son patron, il avait reçu de celui-ci une plainte, et, à force d’insistance, lui avait fait comprendre que les invectives et les injures sans témoin de Damase ne pouvaient servir de base à un procès-verbal sérieux. Prévenu des intentions hostiles de M. Boyssier par le maréchal des logis, Damase avait gardé un sentiment de gratitude pour le vieux soldat qu’il sentait lui être sympathique et il eut l’idée de le consulter sur son projet.

La consultation fut assez longue. Lorsqu’il se présenta à la caserne, le maréchal des logis venait de souper, et, tout en fumant sa pipe, il déshabillait un de ses cinq enfants, tandis que sa femme couchait le plus petit. Après s’être débarrassé de son moutard, il alla prendre une bouteille dans le buffet, versa une bonne goutte dans deux gobelets, et, ayant su de quoi il s’agissait, approuva fort Damase. À quoi arriverait-il en restant à Fontagnac ? À rien. Pouvait-il être notaire ? Non ; il n’avait pas de quoi acheter une étude. Et puis, quelle pétaudière que cet endroit ! C’étaient les curés qui commandaient !