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troduire cet être si cher dans sa maison. Mais, quelque envie qu’elle eût de se faire illusion sur ce point, elle n’y parvenait pas, tant M. Boyssier montrait, en toute occasion, de haine pour son ancien clerc. Elle savait, d’ailleurs, à n’en pas douter, qu’eût-elle fléchi son mari, Damase n’eût jamais consenti à revenir. Quelque peine que lui causât cette certitude, elle en estimait davantage son jeune amant et se torturait l’esprit pour trouver les moyens de le revoir sans exciter les soupçons. Ah ! il ne s’agissait plus maintenant, comme lorsqu’elle avait été se confesser à l’archiprêtre, de l’éviter, de le fuir, mais de le reprendre !

Lui, s’était établi dans la maison du vieux Latheulade, après en avoir chassé la Bernotte, et il se laissait aller à cette volupté jusqu’alors inconnue de vivre à sa guise, hors de toute dépendance d’autrui. Ce sentiment allègre de délivrance, que connaissent seuls ceux qui ont eu le malheur de porter un joug quelconque, atténuait l’impression d’isolement de sa nouvelle situation ; impression que l’attitude des gens de Fontagnac aggravait encore. En héritant des biens de l’ancien jacobin, Damase avait aussi hérité de la haine que lui portaient les prêtres, les dévots et leurs adhérents hypocrites ou sincères. On lui en voulait de son opposition aux manœuvres du clergé local et surtout de la divulgation des dernières volontés irréligieuses de Latheulade. Cette hostilité, presque générale, au lieu de l’accabler, acheva de le raffermir et de lui donner le sentiment de sa force. Les imbéciles qui affectaient avec lui des airs de supériorité méprisante, en raison de son ancienne condition, étaient rabroués à la façon de Caïus. Il rendait ironie pour ironie, sarcasme pour sarcasme, et ne craignait pas de manifester, en toute occasion, son