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— C’est Thôny, de chez Labarthe ! Non ! c’est Jullian, le bourrelier !

La levée du corps se fit au milieu d’une foule considérable, et le cortège se dirigea vers l’église, décorée de tentures noires et d’un superbe catafalque. L’abbé Turnac, revêtu du plus riche ornement de deuil de la paroisse, officia avec une gravité composée, les yeux baissés pour ne pas laisser voir sa joie. Il semblait que tous ces prêtres voulussent savourer leur triomphe, car les chants funèbres se déroulaient avec une majestueuse lenteur, accompagnés de l’ophicléide et du serpent des grands jours. Mais, tout a une fin, et, après les aspersions et les encensements rituels, l’immense convoi se dirigea vers le cimetière. Sur le bord de la fosse, Turnac récita les dernières prières, puis, saisissant le goupillon que lui tendait le marguillier, il lança quelques gouttes d’eau sur le cercueil, d’un mouvement sec et satisfait qui disait clairement :

« Maintenant, mon bonhomme, tu y es ! »

Pendant ce temps, Damase errait dans la campagne, poursuivi par le bruit des cloches qui sonnaient à toute volée.

Il n’est point besoin de dire que la conversion subite et la mort édifiante du vieux Caïus servirent de thème au sermon du dimanche suivant. Turnac sut trouver des accents convaincus pour peindre la ferveur avec laquelle l’ancien jacobin s’était accusé de ses crimes et de ses sacrilèges, et le ravissement qu’il avait éprouvé après sa réconciliation avec son Dieu. Du reste, il ne dissimula pas qu’il y avait quelque chose d’étrange, de quasi-miraculeux dans ce revirement soudain d’un des plus fermes coryphées de l’impiété révolutionnaire. Oh ! il ne s’en attribuait pas le mérite ! Non, il n’avait été que l’humble ins-