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que son patron ne contredisait pas ouvertement cette assertion : sans doute, il avait mal compris, mais il n’y avait pas grand inconvénient à ça ; parler de testament n’est pas mortel ; ce n’était qu’une après-midi de perdue : bref, il s’efforçait, comme on dit, de « rompre les chiens ». Pour un homme qui n’aimait pas à se déranger inutilement, cette attitude était singulière, et le clerc en conçut des soupçons qui s’aggravèrent lorsqu’il vit M. Boyssier accepter de faire collation, contre sa coutume, et consumer à table deux bonnes heures.

Tout le long de la route, Damase resta silencieux, songeant avec anxiété au vieux Caïus et sentant monter en lui une violente colère à la pensée que peut-être son patron s’était fait le complice des prêtres et l’avait joué.

Lorsqu’il entra dans la maison mortuaire, la Bernotte, qui était en train d’écailler du poisson, aidée de la sœur, car c’était un vendredi, vint à lui hypocritement :

— Notre pauvre monsieur est mort !

Damase la regarda durement, ce qui lui fit baisser les yeux, et, sans répondre, entra dans la chambre du défunt. En voyant le cierge allumé et tout cet appareil religieux, il comprit ce qui s’était passé :

— Pauvre vieux ! dit-il en posant la main sur le front déjà froid du mort, ils n’ont pas voulu te laisser mourir tranquille, les misérables ! Mais dors en paix, je ne les laisserai pas te déshonorer !

Et, passant devant la sœur interloquée, qui avait repris son poste, il alla vers la lingère pour prendre, dans un tiroir intérieur, le testament que Caïus, par une sorte de pressentiment, lui avait dit contenir une clause expresse au sujet de ses funérailles ; mais il s’arrêta devant les scellés :