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regard furtif sur le grand lit à quenouilles où gisait le vieux Caïus et sur le modeste mobilier, composé de quelques chaises grossières, d’une petite table au chevet du lit, d’un coffre et d’une vieille « lingère » aux ferrures rouillées. On voyait, dans l’attitude de ce troupeau crédule, docile aux ordres des prêtres, un certain étonnement, et, même chez les plus simples, quelque frayeur de se trouver dans cette maison maudite qu’un missionnaire, dans un élan d’éloquence, avait appelée : « Arche de Satan : Arca Satanæ ! »

Lorsque tout ce monde fut tassé dans la chambre et dans la cuisine dont la porte de communication était restée ouverte, au milieu du léger murmure des versets du rosaire sur les lèvres des femmes, la funèbre cérémonie commença.

Turnac prit un peu d’huile dans le récipient que lui tendait l’abbé Dutour, et, avec le pouce, oignit les yeux fermés du vieux jacobin qui poussa un sourd gémissement.

Per istam unctionem et suam piissimam misericordiam, indulgeat tibi Dominus quidquid peccati per visum…

Et il continua ainsi sur les oreilles, les narines, la bouche et les mains. Lorsqu’il souleva la couverture pour oindre les pieds, une sensation de froid saisit le moribond qui entr’ouvrit les yeux un instant, et, inconscient, murmura en patois :

Mas que me vol a quel home ?

Puis il retomba dans un accablement comateux.

Ayant terminé, le vicaire s’agenouilla devant le lit et commença la prière des agonisants, suivie par tous les assistants. Lorsqu’elle fut achevée, il se retira et tout le monde avec lui, sauf une sœur du couvent, qui resta pour garder le mourant et s’assit