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pas considérable ! — va chercher des pommes de terre à leur métairie, de l’eau au puits public, et lave le linge « au ruisseau » : c’est ainsi qu’à Auberoque on nomme un lavoir. Le soir, elle tricote des bas pour monsieur Capgier. La pauvre femme n’a pas été élevée à cela, et puis elle n’a pas une très bonne santé ; mais peut-être souffre-t-elle moins de l’avarice crasse de son mari que de sa mauvaise réputation.

— Il n’est pas honnête ?

— Voilà… Il y a trente ans, lorsqu’il entra petit employé aux travaux d’une compagnie de chemins de fer, monsieur Capgier ne possédait pas un sol vaillant. Sa femme a eu six cents francs de dot et quelques meubles de peu de valeur, épaves d’une famille ruinée. Or, ledit Capgier possède aujourd’hui la maison qu’il habite, estimée une dizaine de mille francs, et sa propriété de Lagasse, qui lui a coûté trente-sept mille francs. On lui connaît, d’argent placé en obligations hypothécaires, une cinquantaine de mille francs, sans parler du magot en or qu’un avare tel que lui doit garder sous clef pour le tripoter de temps en temps : vous voyez où tout cela va… Eh bien, il est impossible que cet homme, qui n’a pas hérité d’un liard, ait économisé tant d’argent, même en s’ôtant le pain de la bouche, comme on dit ; même en allant, ainsi qu’il le fait maintenant, dans les maisons, à l’heure où cuit la « baquade » des cochons, manger les pommes de terre bouillies,