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passait sous les fenêtres de l’adorée en retroussant sa moustache, et avait furieusement l’air de guigner sa succession.

« Ah ! les femmes ! les femmes !… » se disait-il, avec tout plein d’intentions désobligeantes.

Eh bien, non, la pauvre dame n’en était pas encore au lieutenant de douanes. Elle regrettait sincèrement ce beau jeune amant qui la rajeunissait, elle qui touchait de bien près à la quarantaine. Elle avait jeté à la boîte du lieu une lettre soigneusement cachetée à l’adresse de l’ami perdu ; et, pour ne pas se déceler, elle avait mis l’adresse, avec une plume d’oie, en de gros et maladroits caractères.

Mais il n’est point de ruse de femme qu’une femme ne devine. Mademoiselle de Caveyre, trouvant cette lettre dans le courrier, flaira une correspondance amoureuse et la mit délibérément dans sa poche. D’ordinaire, elle ouvrait les lettres en exposant quelques instants l’enveloppe gommée à la vapeur d’une cafetière d’eau bouillante, — la même qui servait pour son thé ; — puis, sa curiosité satisfaite, elle recollait l’enveloppe et laissait la lettre aller à son adresse lorsqu’elle ne la gardait pas. Mais celle-ci, bien cachetée avec de bonne cire, était inviolable par ce moyen, et la directrice l’ouvrit avec une mince lame de couteau fortement chauffée.

Puis, retirée dans son petit salon-boudoir, elle lut paisiblement cette longue épître où il était beaucoup