vont à un idéal de société humaine dont nous sommes loin ici…
— Mais n’avez-vous pas essayé de réagir contre le déplorable esprit des indigènes ? interrogea le receveur.
— Si, malheureusement en vain. Je suis du conseil municipal, et j’ai voulu, à plusieurs reprises, mettre la paix entre les deux sections de la commune, Auberoque et Charmiers. Résultat : au figuré, j’ai été traité comme monsieur Robert par Sganarelle et sa femme. J’ai tâché de faire comprendre à tous ce que c’est que la droiture, le désintéressement, le patriotisme, la dignité du citoyen ; mais c’est comme si j’avais parlé mandchou à ce monde-là : ils n’ont d’intelligence que pour leurs intérêts et d’ardeur que pour la satisfaction de leurs haines.
— Je m’étonne alors que dans un pareil milieu vous ayez été élu conseiller municipal.
— C’est, répondit M. Farguette en souriant tristement, qu’ils ont à peu près tous un compte à la pharmacie…
— Quel diable de pays ! fit le receveur en se levant.
— Ah ! ici, il faut se suffire à soi-même et calmer ses regrets et ses rancœurs au moyen de quelque innocente manie… Moi, je fais un herbier, ajouta M. Farguette, en montrant les feuilles éparses sur la table.