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sur les choses de la vie matérielle : logement, nourriture, fournisseurs et le reste. Cela s’appelle « passer la consigne », comme disent les militaires. Les curés s’indiquent les bonnes maisons pieuses où les ecclésiastiques sont reçus avec plaisir ; les vicaires se font connaître de même telle blanchisseuse en qui l’on peut avoir confiance pour le linge d’autel : les uns et les autres font leur profit du renseignement. Dans le monde laïque on en use de même, mais on y va plus carrément. Ainsi, lors de la remise de service, à Périgueux, M. Duboisin avait dit à son successeur :

— Lorsque vous voudrez rire avec une femme, allez à la poste ; lorsque vous voudrez causer avec un homme, allez chez le pharmacien.

« Pardieu ! se disait, en revenant, le receveur, content d’en avoir fini avec les visites officielles, après avoir vu tant de ridicules ou de vilaines gens, je ne serais pas fâché de voir un homme : allons donc chez monsieur Farguette… »

Au bruit de la sonnette de la boutique, le pharmacien arriva. C’était un homme de quarante ans environ, bien planté, au front carré légèrement dégarni, à la barbe noire, aux yeux gris, à la physionomie franche et sérieuse.

— Monsieur Duboisin m’a parlé de vous, monsieur, fit le receveur, et ce qu’il m’a dit m’a inspiré le désir de faire votre connaissance.