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tés, entre autres Phryné devant l’Aréopage et l’Odalisque d’Ingres. L’unique fenêtre, garnie de rideaux rassortis tant bien que mal à l’étoffe du divan, laissait dans un demi-jour romantique ce petit réduit sentant le tabac, que les familiers de mademoiselle de Caveyre appelaient : « le boudoir de Dinah » ; et les gens mal élevés d’un autre nom grossier et de mauvaise compagnie.

Madame de Caveyre, la vieille dame, avait dû être fort belle jadis, aux environs de 1830 : cela se voyait à son nez, d’une gracieuse courbure à la Bourbon, à ses yeux bleus, encore vifs, à ses traits toujours fins et agréables, malgré les rides de l’âge. Avec cela, un air aristocratique et une conversation facile et spirituelle qui dénotait l’usage du monde. Et, en effet, madame de Caveyre l’avait connu au temps où elle faisait les délices de la haute société périgordine, à telles enseignes qu’après un duel où il y avait eu mort d’homme elle avait été enlevée par un galant capitaine à un mari vieux et maniaque.

Le receveur s’entretenait avec cette bonne dame et échangeait avec elle de ces menus propos qui alimentent la conversation des personnes polies qui n’ont rien de particulier à se dire, lorsque mademoiselle de Caveyre entra.

C’était une grande belle femme de trente ans, bien tetonnée, qui ressemblait à sa mère, avec moins