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née Porcher, c’était d’être de « bonne famille ». En conséquence de cette prétention, sa perpétuelle préoccupation était de « tenir son rang » : aussi ne frayait-elle pas avec tout le monde, et avait-elle des formules appropriées à la position sociale de chacun, elle étant au sommet, bien entendu. Aux dames « de la société » elle disait « madame » ; puis en descendant, « ma chère dame », « madame ma mie », « ma mie » tout court, et puis « Francette » ou « Jeanneton ». Quant à ses servantes, au temps où elle en avait, elle les baptisait toutes du sobriquet de « Péronnelle ».

Sa famille était la première d’Auberoque, après « le château », comme elle l’expliqua complaisamment à M. Lefrancq. Depuis deux cents ans, les Porcher étaient établis et honorablement connus comme les plus riches du bourg. Elle s’était, pour ainsi dire, mésalliée en épousant un simple huissier, car un Porcher avait été juge de la seigneurie d’Auberoque ; un autre, syndic fabricien de la paroisse ; enfin son arrière-grand-oncle, Me Porcher, sieur de la Serve, avait été notaire à Auberoque même…

— Vraiment, madame ! faisait le receveur amusé.

— Oui, monsieur. Et même j’oubliais messire Antoine Porcher du Claud, curé de Journiac… un martyr de la Révolution, monsieur !

— Ah ! mon Dieu ! aurait-il été ?…

— Non, grâce au ciel, il mourut de sa belle mort