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— Si bien ! mais il reste quelquefois la moitié d’une journée attaché comme ça, tandis que monsieur Desguilhem « trulle » par là.

— Voyons toujours !

En effet, l’huissier n’y était pas, mais M. Lefrancq fut reçu par madame veuve Desguilhem mère, qui l’introduisit dans une pièce à deux fins, moitié salle à manger, moitié salon. Telle qu’elle était, avec ses grands placards en noyer, de chaque côté d’une large cheminée boisée de même, avec son buffet ancien à deux corps, ses vieilles chaises tournées et sa table massive recouverte d’un vieux châle, à mode de tapis, qu’on enlevait pour les repas, cette pièce était plus vivante et plus agréable que le pseudo-salon délabré du juge, ou le salon véritable, mais glacial, du notaire. Au moins y faisait-on du feu quelquefois, car deux tisons, se touchant par le bout, gisaient sur la cendre.

Madame veuve Desguilhem était une grande grosse dame au nez de perroquet, au menton en galoche reposant sur d’énormes « appas » remontés jusqu’au cou par un corset qui la sanglait fort ; le tout surmonté d’un bonnet à coques vertes sur des cheveux d’un gris sale. Avec cela, un peu bossue, — les gens indulgents disaient « voûtée », — et l’air pincé, car elle n’osait sourire de peur de montrer son râtelier à travers la large déchirure de sa bouche.

La principale prétention de madame Desguilhem,