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par les lettres banales et émollientes du ministre au député, précieusement transmises par ce dernier, s’ajoutait, pour ce ménage, la gêne. Non pas une gêne absolue, mais la gêne relative de ceux qui veulent paraître et se règlent sur de plus fortunés. Madame ne sortait guère, se trouvant toujours mal mise, et ne voyait à peu près que la directrice de la poste, mademoiselle de Caveyre, à qui elle confiait ses chagrins. Elle ne recevait pas de visites non plus, ayant honte d’être mal logée, comme le sont généralement les fonctionnaires et les étrangers dans ces trous de campagne. N’ayant pas le souci de ses deux enfants, confiés aux soins de leur grand’mère, elle passait son temps à récriminer contre la destinée, à faire des devis de toilettes en Espagne d’après des catalogues de nouveautés, et à lire des feuilletons coupés au bas des journaux, vautrée dans un vieux fauteuil crasseux. De son ménage, elle ne s’en occupait pas et en abandonnait le train à de petites bonnes de quatorze à seize ans qui se succédaient rapidement : car, quoiqu’elle payât mal et nourrît peu, madame était exigeante et les flanquait à la porte pour un rien.

Surprise par la visite du receveur dans un négligé malpropre, au milieu d’un désordre honteux, madame Grosjac fit répondre par la petite bonne qu’elle avait la migraine ; quant à monsieur, il était en course.