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sont noirs ; mais il y a aussi des noms qui vont admirablement à leur homme : ainsi était celui de Grosjac.

Le porteur de ce nom était un petit gros homme de trente-cinq ans, rousseau, et aussi épais d’esprit que de corps. Ses gros yeux saillants dans une tête ronde et prématurément chauve, son nez écrasé, sa forte mâchoire en saillie, ses grosses lèvres hérissées de poils rares et longs, lui donnaient quelque vague ressemblance avec un phoque ; d’autres disaient : « avec un bouledogue ».

Vulgaire dans sa personne, grossier dans ses manières et ses propos, ce médicastre chevalin, grand amateur d’absinthe, que ses parents avaient affublé du prénom de Séraphin, faisait le désespoir de la blonde madame Grosjac, qui avait de grandes prétentions à la distinction. Parce qu’elle avait quelque peu pianoté chez son père, professeur de danse à Toulouse, et qu’elle chantait à peu près juste des morceaux d’opéra, madame Grosjac se croyait de bonne foi une femme du monde, et se désespérait de végéter dans une bourgade comme Auberoque. Elle en voulait à son mari de ses allures de rustre frotté de science comme un « croustet » de pain est frotté d’ail ; de son prénom ridicule, de son incapacité professionnelle qui l’avait obligé à quitter Périgueux, où il n’avait pas de clients, pour Auberoque, où il n’en avait guère. Et, vraiment, on