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persistance de quelques bons raillards, il avait fini par accepter cette origine, et maintenant il y croyait fermement et racontait sans se faire prier ses campagnes d’Afrique. La vérité vraie était qu’il n’avait pas dépassé le grade modeste de caporal dans la garde nationale, en 1848, et que, jusqu’à l’âge de cinquante ans, il n’avait jamais quitté la petite bourgade gasconne qu’il administrait comme maire. C’est là que l’Empire était venu le chercher pour en faire un juge de paix, en récompense de services électoraux rendus au député de la région. C’était, d’ailleurs, comme magistrat, une nullité, ce qui ne l’empêchait pas d’ambitionner un plus haut poste. En revanche, il excellait aux fonctions de police que les parquets d’alors imposaient aux juges cantonaux. Il avait toujours plein la bouche de son dévouement à S. M. l’Empereur, et, au quinze août, il l’emportait sur tous les autres fonctionnaires, de plusieurs drapeaux et de quelques douzaines de lampions.

Le juge avait deux filles mariables : c’est assez dire qu’il s’empressa de présenter M. Lefrancq à ces demoiselles, qui, prévenues par la servante, avaient précipitamment abandonné la confection d’un cotillon, tiré d’une vieille robe, pour se rendre dans une pièce assez délabrée, qualifiée de salon, où l’une avait pris une bande de tapisserie et l’autre sa broderie.

Au cours de la conversation qui s’engagea,