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quelques sous des plaideurs de la justice de paix, auxquels il donne de mauvais conseils. Depuis qu’il ne représente plus « le château », on se moque de lui et il n’est plus rien : aux dernières élections municipales, il a eu onze voix… Pour le caractère, il est toujours le même, jaloux, fourbe, haineux, rancunier et toujours disposé à mordre : seulement, le pauvre diable n’a plus de dents.

» Sa sœur, la Creyssieux, est morte après avoir fait un mois de « boîte », comme disait ce brave brigadier Pageyrac, — c’était avant la loi Bérenger, — pour des canailleries de son métier. Quant à la grosse Irma, elle s’est mariée au loin avec un de ces braves à trois poils que n’effrayent pas fille « ayant tache ».

» Après avoir fait charlemagne en vendant la terre d’Auberoque à un monsieur Juine, avec six cent mille francs de bénéfice, la Chaboin a fini, il y a quelques années, dans une riche maison de santé, neurasthénique et maniaque, quasi folle comme Grosjac. Quoiqu’elle bût honnêtement, ce n’est pas l’intempérance qui l’a tuée, elle, mais cette terrible et lancinante pensée qu’elle était universellement méprisée. Elle aurait bien voulu, la malheureuse, être quelque chose : présidente de la « Société de protection des enfants en bas âge », patronnesse de la Miséricorde, ou seulement dame de charité, afin de se faire illusion à elle-même, et de se réhabiliter un peu