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achetée par madame Chaboin, une richissime capitaliste qui allait faire aménager le château pour l’habiter… Elle recevrait sans doute, cela donnerait un peu de vie au pays…

Il parlait à voix basse, lentement, cherchant ses paroles, s’arrêtait parfois, hésitant, comme s’il eût craint d’avoir dit quelque énormité, et tiraillait ses petits favoris blancs comme pour se donner une contenance.

« Et d’une ! » se dit le receveur en sortant.

— Maintenant, dit-il à son guide, il faut continuer en perdant le moins de temps possible : allons au plus près.

— Alors, c’est chez monsieur Caumont, le juge de paix.

Le juge était dans une petite pièce à usage de cabinet, en train de grabeler un jugement, lorsque le receveur se présenta. Il se leva pour recevoir le visiteur que la bonne avait introduit, et M. Lefrancq vit un homme de belle taille, assez replet, qui portait une moustache et une impériale taillées comme celles de l’Empereur, grises toutefois, car il avait « douze lustres », ainsi qu’il disait. Avec une certaine allure roide et quelque brusquerie de manières qu’il affectait, cela lui donnait l’air d’un capitaine de cavalerie en retraite, et il était flatté qu’on le lui dît. Dans les premiers temps de son arrivée à Auberoque, il équivoquait mollement ; mais, devant la