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neuvaine pour le retirer du péché. À son âge de cinquante-sept ou huit ans, il s’était amouraché de la petite veuve Barjac, qui lui faisait voir du chemin et lui soutirait de l’argent pas mal. C’était une de ces passions de vieux, tenaces comme des ronces où l’on est empêtré, qui, par moments, lui faisait oublier son avarice. Mais il ne l’oubliait pas tout à fait, car pour réparer les brèches faites à son avoir, il se mit à jouer à la Bourse, gagnant quelquefois, perdant le plus souvent. Tant il fit que, se trouvant engagé dans des spéculations importantes lorsque survint le coup d’État du Vingt-quatre Mai, il fut ruiné tout à plat ; ce que voyant, il se cassa la tête d’un coup de pistolet, qui fit jaillir au plafond le peu de cervelle qu’il avait.

Et, grâce à de certains accommodements avec le ciel et ses ministres, il fut enterré en grande cérémonie par le doyen Camirat, dans le meilleur endroit du cimetière, lui qui avait fait jeter le pauvre Guignac dans un trou hors des murs.

Le Vingt-quatre Mai fut fatal aussi à M. Lefrancq. Le directeur de Périgueux ayant été déplacé, la coterie réactionnaire et cléricale d’Auberoque jugea la conjoncture favorable, et, appuyée d’un député bien pensant, elle renouvela ses dénonciations, intrigua, fit agir, en insistant sur la nécessité de faire un exemple, si bien qu’un mois après, le receveur était révoqué.