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lorsque, après avoir terminé sa prédication, le jeune pasteur récita la prière d’une voix chaude et pleine de vibrations émues, tous s’en allèrent bien disposés pour la nouvelle religion ; — d’autant plus que, comme l’avait copieusement expliqué l’ancien sacristain, elle se pratiquait gratis, avantage apprécié à la campagne comme à la ville.

Dans le temps qu’à Charmiers les plus zélés venaient presque tous les soirs entendre la prédication, à Auberoque on daubait sur ce pasteur en civil et sur ses prêches dans un sale café. Le curé Camiral était naturellement le plus acerbe et le plus mordant. C’était un homme intelligent ; mais, aveuglé par la passion et la question d’intérêt, il ne lui venait pas à l’idée, non plus qu’à aucun de ses paroissiens, que son Dieu était né dans une étable, que les apôtres étaient vêtus comme leurs concitoyens, et qu’ils prêchaient où ils se trouvaient…

Au moment où les habitants d’Auberoque commençaient à se lasser de rabâcher toujours les mêmes sottises sur le pasteur de Charmiers, survint un autre événement qui détourna les caquets ailleurs. Cet événement fut le suicide de M. Bourdal, notaire et maire d’Auberoque.

Depuis deux ou trois ans il s’était un peu « dérangé », comme on dit dans le pays ; c’est-à-dire que sa conduite était devenue irrégulière, à la grande désolation de ses filles, qui faisaient neuvaine sur