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saturée des émanations humaines, de l’odeur âcre du tabac, et comme du relent des saletés et des blasphèmes qu’elle avait entendus, prêcher Jésus-Christ crucifié, le contraste était saisissant.

C’était le soir : une lampe suspendue au plafond éclairait mal la salle comble qui regorgeait sur la porte et dans un corridor intérieur. Il y avait là des jeunes filles, des femmes, des hommes et surtout des jeunes gens beaucoup. Tous à peu près étaient des habitants du bourg et des villages de la commune, prévenus par l’ancien sacristain devenu le bedeau du nouveau culte. À l’extrémité de la salle, debout devant une petite table, — peut-être une ancienne table du café, — sur laquelle était posée une bible, le pasteur, en simple paletot noir, parlait. C’était un jeune homme d’aspect sympathique, pâle, avec des yeux clairs où brillait la flamme de la foi. On sentait, à son accent, que ce qu’il disait venait du cœur sous l’inspiration du moment. Ses paroles étaient simples et appropriées à l’intellectualité de ceux qui l’écoutaient. Point de citations, point d’apostrophes, de phrases sonores, de mouvements oratoires : un discours tout uni, auquel le raisonnement donnait cette solidité que le squelette donne au corps.

Certes, parmi ce peuple qui était là, il y avait des esprits imbus des vieux préjugés catholiques, des curieux ; et aussi des sceptiques rustiques ; pourtant