— Je n’ai guère faim, ma petite.
— Pour lui tenir compagnie !
— Mais vous, plutôt, car je pense que vous n’avez pas dîné, Michelette ?
— Moi, dit-elle, ce soir, je veux vous servir tous les deux.
Et avec cette grâce charmante, cette simplicité digne qu’elle mettait à l’accomplissement des plus vulgaires devoirs du ménage, elle servit les deux amis.
Après souper, pendant que la vieille tante de Michelette dormait dans le « cantou », ils s’attardèrent longtemps autour du foyer, parlant tous les trois de leurs fugitifs espoirs, de leurs craintes, des angoisses longuement supportées en silence. Puis ayant entendu l’horloge du château sonner minuit, M. Farguette se leva et s’en fut avec son ami, qu’il accompagna jusqu’à sa porte.
Le lendemain, au bureau, M. Lefrancq trouva le vérificateur venu pour contrôler le travail du surnuméraire qui l’avait suppléé.
Comme ils s’en allaient tous les trois à l’hôtel pour déjeuner, le vérificateur retint M. Lefrancq à quelques pas en arrière :
— Que diriez-vous d’une jeune fille qui vous apporterait quatre-vingt mille francs dans son tablier ?
— Je dirais que c’est une fille argentée…