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un accident, une surprise des sens ; et alors, pour lui épargner un remords ou seulement des regrets, sans s’en faire un mérite, sans opposer de scrupules, sans exiger de serments, sans demander rien, dans le secret de sa pensée, elle se donnait par bonté de cœur à celui qu’elle aimait.

Une après-soupée, attendant M. Farguette qui devait venir passer la soirée avec eux, ils étaient assis sous le tilleul, enveloppés d’ombre. De temps en temps, un éclair de chaleur déchirait l’horizon et illuminait le jardin. Le jeune homme tenait la main de Michelette, et la petite sentait cette main chère brûler la sienne. Son cœur palpitait comme un jeune oiseau pris au nid, et une langueur pleine de charme l’envahissait. Comme il l’entourait de son bras et la pressait doucement contre lui, elle appuya sa tête sur le cœur de son ami en fermant les yeux… Tous deux oubliaient le pharmacien lorsque, soudain, la porte s’ouvrit et son pas mesuré cria sur le sable de l’allée. Dans la demi-obscurité, M. Farguette s’arrêta devant les amoureux, et, les regardant, laissa tomber gravement ces mots :

— La guerre est déclarée !

— La guerre ?

Et tous deux se dressèrent, pâles, et s’approchèrent du pharmacien.

— Oui.

— Et comment le savez-vous ?