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toyaient le bourg et entraînaient les immondices au fond du vallon où l’herbe des prés poussait drue et d’un vert intense.

Quoi qu’il en fût, à part les lendemains de pluies torrentielles, le bourg était d’une saleté peu commune. Dans les mois d’été, lorsque le soleil brûlant faisait fermenter les fumiers, les détritus de toutes sortes, les excréments humains et les fientes des animaux, il s’élevait de cette agglomération de maisons des odeurs nauséabondes, intolérables pour les étrangers, mais que les habitants ne sentaient pas, par l’effet de l’habitude. Maisons, mœurs, usages, coutumes, tout cela sentait l’ancien bon vieux temps où le linge était inconnu, où l’on enterrait les morts au milieu des vivants, où l’on dédaignait les soins de la propreté, où les maladreries regorgeaient de lépreux : il semblait que ces mœurs, ces usages, ces coutumes, tout cela fût contemporain de la forteresse du xiiie siècle qui dominait le bourg.

Après avoir déjeuné, M. Lefrancq, ayant reçu de madame Jammet la clef déposée à l’hôtel, alla prendre possession de son bureau et du logement où, traditionnellement, habitaient les receveurs de l’enregistrement. C’était la moitié d’une vaste maison coupée en deux jadis, dans quelque partage de famille ; l’autre moitié était habitée par le propriétaire, absent ce jour-là. Le logement, trop grand pour un garçon, se composait d’une cuisine et d’un