d’Auberoque avait toujours fermé les yeux. Mais l’affaire des communaux et celle des terrains de l’église achevèrent d’indisposer tous les gens du bourg, qui du reste mettaient dans le même sac, — in petto toutefois, — madame Chaboin, le conseil municipal et M. Duffart qui avait maquignonné toutes ces affaires. Au four banal, au « ruisseau », le soir devant les portes, les femmes commençaient à parler de tout cela, et quelques-unes, plus hardies que les hommes, ne craignaient pas de dire hautement que la Chaboin était une fripouille, Duffart un intrigant et les conseillers un tas de jean-fesses.
Seule à peu près dans Auberoque, la maison Desvars ne s’occupait pas de madame Chaboin et de ses manœuvres perfides. Non pas qu’on n’y eût une opinion faite sur son compte, mais simplement parce que l’inventeur était toujours absorbé par son monocyclepède et que Michelette et M. Lefrancq avaient des choses plus intéressantes à se dire. Les deux amoureux en étaient à cette période heureuse où tout ce qui vient de l’être aimé est beau et bon ; où tout ce qui lui appartient est sacré ; où une fleur, un ruban, une boucle de cheveux, sont des trésors gardés avec un soin jaloux. M. Lefrancq, lui, aimait la jeune fille avec cet exclusivisme farouche qui caractérise l’amour vrai, du moins celui qui est plus qu’une simple convoitise des sens. Sa pensée était toujours orientée vers elle, et il la mettait de moitié dans tous