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un gîte d’étape, et, lorsqu’un régiment passait, il était de coutume que les officiers supérieurs fussent logés au château. Du temps du défunt marquis d’Auberoque, tous ces officiers étaient invités à sa table, et ils acceptaient cette courtoise hospitalité sans être gênés en rien par les opinions légitimistes de leur hôte, qui dormaient ce jour-là. Madame Chaboin, pour faire la grande dame, avait voulu reprendre ces traditions hospitalières, mais sans succès. Au premier passage, lorsque, musique et sapeurs en tête, un régiment d’infanterie arriva, reçu par la municipalité, le colonel, vieux troupier à moustache blanche, s’informa près du maire du logement qui lui était destiné.

— Vous êtes logé au château, mon colonel, avec tout votre état-major.

— Chez madame Chaboin ! merci beaucoup ! nous n’avons plus besoin de remplaçants, au corps !

Il y eut un instant de stupeur parmi les notables présents ; puis, comme tous, civils et militaires, se trouvaient en ce moment arrêtés devant la maison de M. Monturel, celui-ci, saisissant l’occasion, offrit un logement qui fut agréé ; après quoi, cramoisi de vanité satisfaite, il alla répandre la nouvelle par tout le bourg :

— Vous savez ! j’ai le colonel !…

Au fond, le refus du ministre, celui du préfet, ceux des nobles du voisinage, quoique enveloppés