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place, sans aucun souci de l’alignement, et montraient leurs fenêtres étroites et leurs toits de pierres plates noircis et envahis par les mousses. Mal construites pour la plupart, et faites en différents temps de pièces et de morceaux ajoutés, l’économie, ou plutôt la lésine, se manifestait partout aux dépens de la régularité des bâtiments. Au-dessus des plus hautes maisons de la bourgade et de quelques rares jardins, aux pentes adoucies par de grands murs de soutènement envahis par des giroflées de muraille et des pariétaires, s’élevaient les remparts de la vaste esplanade du château, et au-dessus de l’esplanade encore, se dressait la masse gigantesque de la vieille forteresse féodale des seigneurs d’Auberoque.

Ayant achevé sa toilette, M. Lefrancq descendit, et après avoir brièvement répondu aux obséquieuses et câlines interrogations de madame Jammet sur son sommeil, il sortit. Sur les portes, les gens, déjà renseignés par les joueurs d’hombre, se disaient : « C’est le contrôleur qui remplace monsieur Duboisin ; il n’a pas l’air aussi bon enfant que lui… » Le jeune homme fit le tour de l’ « endroit », comme disait madame Jammet. Au midi, les maisons escaladaient les pentes roides d’une haute colline rocheuse, et formaient au pied des remparts un noyau central où se concentrait la vie publique représentée par la mairie et le prétoire de la justice de paix, installés côte à côte, en face de la halle, dans l’ancien parquet