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pendant les coups de poing des joueurs cessèrent, le silence se fit dans l’hôtellerie, et, tandis que l’horloge du château sonnait onze heures, le craquement des souliers de madame Jammet se faisait discrètement entendre dans le corridor. Puis une porte s’ouvrit et le receveur entendit marcher dans la chambre voisine. À travers la mince cloison, il perçut des bruits vagues et légers : une chaise remuée doucement, une armoire ouverte, le soulier jeté sur le tapis, enfin le craquement d’un lit, et le bruissement de la « panouille », autrement dit de la paille de maïs, s’affaissant sous le poids d’un corps, tout près, à une épaisseur de brique de l’autre côté.

Mais tout cela le laissait froid, et il entendait, sans trouble aucun, les petits bâillements de l’hôtesse achevés en un léger soupir. Enfin, après s’être longtemps tourné et retourné dans une pénible insomnie, M. Lefrancq finit par s’endormir.

Lorsqu’il se réveilla, le jour filtrait à travers les volets mal joints : il se leva et ouvrit la fenêtre. La pluie avait cessé. Au-dessous, sur une petite place irrégulière, vaguaient des cochons et des poules. Au milieu de la place, une vieille halle délabrée, à la toiture bosselée, aux piliers de pierre rongés par les gelées, abritait quelques charrettes. Dans un coin, l’ancien four banal des seigneurs ouvrait sa porte massive, protégée par un auvent. Tout autour, des maisons basses, ou à un étage au plus, bordaient la