Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/219

Cette page a été validée par deux contributeurs.

libre et tranquille pour songer à expédier des étoffes à sa fille, « ce qui n’était pas de trop, franchement ! » ajoutait-on. Mais alors, du moment qu’il revenait sur l’eau, c’était un homme à considérer, et on ne se moqua plus ouvertement de lui :

« Ce diable d’Arnaud, disaient ceux de son âge, à force de s’entêter sur ses machines, il aura fini par réussir ! »

Et, le soir, dans la grande salle du Cheval-Blanc, on discutait entre deux parties de quinze, sur le vélocepède, qu’à part le receveur et Guérapin personne n’avait vu terminé, car M. Desvars ne faisait guère cas de l’opinion de ses concitoyens, moins encore en matière de mécanique qu’en toute autre chose.

Mais Guérapin, lui, n’était pas d’humeur à discourir sur le vélocepéde. Depuis l’insuccès de sa combinaison il ne décolérait plus : les ouvriers sous ses ordres en savaient quelque chose. Comme il avait appris de M. Duffart que l’inventeur était loin d’être, financièrement parlant, en bonne situation, il soupçonnait que quelqu’un lui était venu en aide. Ses soupçons se portèrent d’abord sur le pharmacien, qui avait déjà rendu de petits services à M. Desvars, puis ils s’arrêtèrent sur M. Lefrancq.

Le jardin de la maison Desvars était, du côté du bourg, entièrement caché aux regards. Des prés au-dessous, où les « drolettes » ramassaient les pis-