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gnant personnage avait depuis longtemps remarqué Michelette et il la désirait avec l’âpre convoitise du libertin pour la jeunesse innocente. Lorsqu’il la rencontrait dans la rue, il lui adressait des saluts d’une politesse affectée, auxquels, avec cet instinct féminin qui ne trompe guère elle répondait par une froideur méprisante. Une fois, sous prétexte de se faire montrer le vélocepède, il était venu trouver M. Desvars, dont il flattait les illusions. Cette ruse ne lui avait pas réussi, car Michelette s’était tenue en haut dans sa chambre, durant toute cette visite. Pendant les absences de l’inventeur, M. Reversac avait bien songé à la renouveler, mais il n’osait sans un prétexte plausible. L’attitude de Michelette n’était pas d’ailleurs pour l’encourager, et, d’autre part, il pressentait en M. Lefrancq un rival et un ennemi.

Le protêt du billet Chaboin parut à M. Reversac une occasion singulièrement favorable à ses desseins. Il lui semblait impossible qu’apparaissant à elle comme un sauveur généreux, la jeune fille ne se départit pas de l’aversion que révélait sa contenance. Il avait vu déjà tant de femmes, farouches d’abord, se laisser apprivoiser par des cadeaux, des présents, qu’il croyait en ces affaires à la toute-puissance de l’argent. C’est ainsi qu’il avait eu la « belle » madame Goussard, avec une robe de taffetas gorge-de-pigeon qui lui avait permis d’éclipser les dames les plus huppées d’Auberoque, à la pro-