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fâcheux sans doute, mais il y avait une compensation : on allait avoir pendant quelque temps un sujet de conversation intéressant. Aussi, à part quatre ou cinq personnes, les gens d’Auberoque attendaient impatiemment la suite de ce petit drame judiciaire. On ne s’imagine pas combien le défaut de sujets d’entretien et l’indigence d’esprit rend les habitants des petites localités impitoyables pour leurs voisins affligés par un malheur. Une mort, une faillite, une condamnation, un accident conjugal, une perte d’argent, une fille mise à mal, sont autant de proies sur lesquelles ils se jettent avec la férocité de bêtes affamées. Un proverbe du pays exprime cette triste vérité : « Lorsqu’un arbre est tombé, chacun y va faire son fagot. »

Les voisines vinrent visiter Michelette, moins pour lui faire leurs patelines complaintes que pour tâcher d’avoir des renseignements, connaître ses intentions et savoir si elle avait quelque biais pour sortir de cette situation. Mais la petite se borna prudemment à remercier de l’intérêt qu’on lui témoignait, — en paroles, — et ne dit rien de plus. Lorsqu’on voulait la plaindre personnellement aux dépens de M. Desvars, elle répondait que son père était le maître, et qu’elle ne blâmait aucunement ce qu’il faisait.

Parmi les habitants d’Auberoque, il y en avait un qui s’intéressait tout particulièrement à la situation de la famille Desvars, c’était M. Reversac. Ce répu-