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— C’est très suffisant, merci.

Là-dessus, l’hôtesse inspecta la chambre pour s’assurer que tout était bien en ordre, découvrit le pot à eau coiffé de deux serviettes, puis ferma les contrevents.

— Vous n’avez besoin de rien, monsieur ? fit-elle avec une intonation caressante.

— Merci, madame, de rien, en ce moment, que de sommeil.

— Alors, bonsoir, monsieur, et bonne nuit !

Et, après avoir fait encore un tour par la chambre, comme si elle ne pouvait se décider à partir, madame Jammet s’en fut pourtant.

Resté seul, M. Lefrancq se déshabilla rapidement et se mit au lit, où il se pelotonna sous la sensation désagréable des draps tout frais de lessive. Comme sa chambre se trouvait juste au-dessus de la salle, il entendait une confuse rumeur et les coups sourds frappés sur le tapis par les joueurs qui assénaient leurs cartes comme pour leur donner plus de valeur :

« Je coupe ! pan !… Je surcoupe ! pan ! atout !… pan ! atout ! pan ! pan ! et tout ici ! »…

Il eut un bâillement de dégoût et ferma les yeux avec la ferme volonté de s’endormir. Mais le sommeil ne venait pas, et la pensée du jeune homme s’envolait vers la petite villette bretonne où il avait laissé son cœur ès mains d’une maîtresse idolâtrée. Ce-