Page:Eugène Le Roy - Les Gens d’Auberoque, 1907.djvu/207

Cette page a été validée par deux contributeurs.

genoux, regardant fixement le plancher et songeant avec angoisse à cette situation. Elle voyait à l’avance les poursuites se faire, la procédure marcher, et les papiers timbrés s’accumuler dans le tiroir du cabinet où il en était tant passé déjà. Et puis la fin, les affiches à la porte de la maison, la saisie, la vente, après laquelle il leur faudrait, son père et elle, quitter cette vieille demeure de famille, modeste mais solide, où avaient logé plusieurs générations de Desvars, comme en témoignait la date de 1617 gravée sur le linteau de la porte, au-dessous de deux clefs entre-croisées.

Et puis, où aller ? que faire ? comment gagner le pain de chaque jour ? où trouver l’abri nécessaire ? Autant de points d’interrogation qui la torturaient. À ces angoisseux chagrins de la ruine définitive s’ajoutait, pour la malheureuse Michelette, un douloureux serrement de cœur, à la pensée qu’elle ne verrait plus M. Lefrancq. Ah ! pourquoi la ruine n’était-elle pas venue plus tôt ! n’était-ce pas assez de ses tristes anxiétés sur le sort de son père et le sien, sans qu’il s’y joignît encore les cruelles douleurs de cette séparation !

Elle resta longtemps ainsi, perdue dans ses pénibles réflexions, et la nuit venue l’enveloppa de son ombre.

Deux jours après, en enregistrant les actes de l’huissier, M. Lefrancq trouva un protêt signifié à