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que, ce jour-là, on connaîtrait les amis et les ennemis du château. M. Madaillac, qui s’était chargé de la commission, exhorta fort l’épicier à venir voter, quoique malade, l’assurant que ce serait de sa part un bel acte de courage civique ; et il lui cita l’exemple d’un grand personnage romain qui s’était fait porter mourant au Sénat, dans une circonstance décisive.

Mais madame Tronchat répliqua que son mari n’était ni Romain ni sénateur, et qu’elle ne souffrirait pas qu’il se levât avec la fièvre, pour attraper le « coup de la mort », en allant au conseil donner une voix inutile.

— Je vais faire entendre ceci à Guérapin, dit, en s’en retournant, dans le corridor, M. Madaillac à la gentille épicière, qu’il guignait depuis quelque temps, mais à une condition…

Et, là-dessus, il la prit dans ses bras.

— Finissez donc, monsieur Madaillac ! j’appelle ! faisait sourdement madame Tronchat en se débattant.

Puis, après s’être dégagée, elle s’enfuit vers sa boutique, non sans avoir été embrassée dru et quelque peu « paupignée ».

Un autre conseiller manquait, à cette séance fameuse : c’était M. Desvars. L’intendant lui avait écrit deux lettres, dont la dernière énergiquement comminatoire, pour le déterminer à venir