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tromper, qu’outre ses intrigues particulières dans chaque affaire, il avait encore des habiletés générales destinées à égarer le public sur son compte et à masquer ses projets futurs. C’est ainsi que, pour capter la confiance du défunt marquis d’Auberoque, il avait feint — inutilement d’ailleurs — des sentiments religieux, en assistant régulièrement à la messe et en communiant aux bonnes fêtes. On conçoit quels moyens un homme de cette trempe devait employer pour faire aboutir l’affaire de la séparation.

Un des grands griefs d’Auberoque contre Charmiers, c’est que dans cette dernière localité se trouvait l’église paroissiale, qu’elle était le chef-lieu du culte, par conséquent, tandis qu’à Auberoque il n’y avait qu’une chapelle de secours desservie par le vicaire, qui venait, le dimanche, y dire une messe matinale. Cet état de choses était humiliant pour le chef-lieu civil et judiciaire du canton, et tout habitant d’Auberoque ressentait cela vivement. Mais, outre ce motif général d’amour-propre, il y en avait de particuliers. D’abord Charmiers possédait un docteur en médecine, tandis qu’Auberoque n’avait qu’un vétérinaire : pénible situation ! Puis les regrattiers d’Auberoque étaient jaloux du chétif commerce de ceux de Charmiers. Mais c’était principalement les cabaretiers et cafetiers qui récriminaient. La pensée qu’il se vendait là-bas quelques bouteilles de vin et de bière entre messe et vêpres les rongeait.