vaillant un à un les conseillers municipaux qui s’étaient montrés hostiles à ses projets, elle comptait les gagner. Avec M. Desvars, toujours à court d’argent, mais honnête et confiant comme un enfant, il n’était pas question de le corrompre, mais on pouvait espérer de le tenir, étant son créancier, au moins par la reconnaissance.
Ainsi des autres. Pour M. Tronchat, l’épicier, on lui mettrait le marché à la main : ou renoncer à la pratique du château, ou favoriser les projets de la châtelaine. Quant à M. Jardelet, il était très désireux d’acquérir un pré de madame Chaboin enclavé dans sa propriété à lui, et qui le gênait fort : on ne lui vendrait ce pré qu’à la condition de voter pour le château. À un autre, douteux, on promettrait de lui faire donner, par la protection de M. Duffart, le bureau de tabac d’Auberoque, dont la vacance était impatiemment attendue par plusieurs. M. Duffart l’avait déjà promis à madame veuve Desguilhem, à un vieux retraité de l’armée, à la sœur de M. Guérapin, veuve d’un gendarme, et à la petite fille d’un colon dépossédé de Saint-Domingue ; mais qu’importait ! il le promettrait encore.
Il y avait aussi au conseil municipal un nommé Coustau, entrepreneur la plupart du temps sans entreprises, quelque peu usurier, sorte de minuscule Chaboin masculin, prêt à tout pour de l’argent,