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Il faisait à ce sujet des rêves dorés : il lui semblait que son invention allait brusquement produire une révolution dans les moyens de transport des voyageurs. Il voyait déjà la foule encombrant la section des machines, et les industriels se disputer, à coups de billets de mille, le brevet qu’il allait prendre. Il ne disait cela ni à sa fille, ni à M. Lefrancq. Il avait tant fait à Michelette de confidences de ce genre, lui avait confié tant d’illusions, dissipées ensuite par la réalité, qu’il n’osait plus l’entretenir de ses espérances. Quant à M. Lefrancq, il était poli, bienveillant, mais visiblement ne partageait pas l’enthousiasme de son propriétaire, et celui-ci se taisait.

À l’occasion du départ de M. Desvars, le receveur s’attendait à une demande d’argent ; mais, à sa grande surprise, l’autre ne demanda rien pour lui : il s’en tint à prier son locataire de payer le loyer à sa fille pendant son absence. M. Lefrancq craignait fort que l’inventeur, dans l’absorption égoïste de ses rêves, ne partît sans laisser un sol à la maison, comme il l’avait fait déjà. Aussi, après quelques précautions oratoires, il fit comprendre à son propriétaire qu’il était préférable que lui-même remît l’argent à sa fille ; et, sur l’assentiment de M. Desvars, le receveur lui avança un semestre de loyer.

Si le père de Michelette s’était montré aussi discret avec son locataire, c’est qu’il avait en ce moment dans son portefeuille cinq cents francs en bons