pas de chance. Ordinairement, elle calculait et liardait avec les fournisseurs, les ouvriers, les malheureux journaliers payés trente sous pour des journées de quatorze heures, et leur faisait longtemps attendre leur dû. En ce moment même, elle était en différend avec un maître maçon pour des travaux faits au château. Après avoir donné des ordres contradictoires, après avoir fait faire et défaire des murs et modifié des alignements, elle se refusait à supporter les conséquences des fausses manœuvres imposées par ses caprices. L’ouvrier, un très honnête homme, qui avec un caractère indépendant avait aussi le sentiment de la justice, refusait d’accepter le règlement léonin de madame Chaboin : c’était un procès en expectative.
Dans cette conjoncture, la châtelaine comprit qu’elle avait eu tort d’être un peu raide avec son compatriote M. Caumont, qui pouvait lui être utile ; et, pour réparer sa faute, elle l’invita à dîner avec madame Caumont. Il n’était pas très flatteur pour une honnête dame de s’asseoir à la table d’une femme ayant les antécédents de madame Chaboin, et le juge le sentait bien. Néanmoins, comme il était très satisfait d’entrer en relations avec la millionnaire, et très flatté d’être convié le premier, dans la crainte de la mécontenter, il décida que madame Caumont agréerait l’invitation.
Ce fut un événement bientôt connu dans la bour-