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paître leurs bêtes ceux qui n’ont pas un pouce de terre : il ne faut pas les sacrifier à un caprice ou plutôt à une spéculation de propriétaire avide.

Le pharmacien ayant achevé, chacun se mit à parler de son côté, les uns approuvant, les autres rejetant le rapport de M. Farguette. Au milieu de discussions véhémentes entre conseillers opposés, s’entre-croisaient des interpellations idiotes et des exclamations dépourvues de sens. Dans ce tapage, les vociférations haineuses de M. Guérapin dominaient. Rouge comme un coq de redevance, la bouche crispée, il tendait le poing vers M. Farguette, qui souriait et levait les épaules, sachant bien quel pleutre il y avait dans cet énergumène fielleux.

Enfin, le maire ayant obtenu à grand’peine un silence relatif, M. Duffart put parler en faveur du « projet Chaboin ». Mais, malgré toute sa faconde, ledit projet fut rejeté à une bonne majorité. Il eut contre lui, d’abord tous les conseillers de Charmiers, plus quelques-uns de ceux d’Auberoque, entre autres le maire qui, au moment du vote, s’était ressaisi.

Le désappointement de madame Chaboin fut grand et la rendit même injuste envers le pauvre M. Duffart, qui pourtant avait fait tout son possible pour enlever l’affaire. Pendant quelque temps, elle bouda le conseiller général, qui s’en était retourné à Paris tout capot. Mais le fort de sa colère tomba sur