propriétés privées et publiques. En raison du malheur des temps, il fallait compter avec les manants ; mais madame Chaboin savait qu’avec un peu d’adresse il était encore possible de les mettre dedans honnêtement. Cela n’était qu’un jeu pour la femme qui avait su persuader à des milliers de gogos d’apporter leur bel argent à la création d’une mer allant du golfe de Gabès au cap Bojador avec port à Tombouctou, et qui avait eu l’habileté de s’approprier une bonne partie des millions souscrits, sans encourir d’autre peine qu’une flétrissure morale. Aussi ne demandait-elle pas qu’on lui cédât gratis l’allée et les communaux, non, la chère dame ! mais elle proposait de les échanger contre un terrain à elle, situé à l’entrée du bourg, vers l’ouest, propre à faire un foirail pour les cochons, foirail dont la commune avait besoin. Mais, comme il y avait une disproportion considérable entre les objets à échanger, madame Chaboin, n’osant offrir un troc de gentilhomme, promettait en guise de soulte une somme de seize mille francs pour la construction de la future église qui hantait les cerveaux des habitants d’Auberoque.
Malgré cela, sa proposition, portée au conseil municipal, avait excité dans la bourgade une certaine rumeur. Une commission avait été nommée pour étudier le projet, et l’on attendait anxieusement. Les gens de la place y étaient hostiles ; ceux du faubourg