hommes et animaux, marchands, charrettes, voitures, bêtes de somme, dans toutes les directions. Une de ces allées tracée en droite ligne traversait majestueusement la terre d’Auberoque, jusqu’à son extrême limite. Lorsqu’on l’embrassait de l’œil, avec sa large chaussée pavée et ses contre-allées bordées d’un double rang d’ormeaux, telle qu’elle était depuis trois cents ans, on admirait la belle arrivée qu’elle faisait à l’antique forteresse dans l’axe de laquelle elle était tracée ; et, avec un peu d’imagination, on revoyait les cavalcades seigneuriales faisant résonner les fers des chevaux sur les pavés frustes. Mais madame Chaboin n’était ni artiste, ni femme d’imagination ; c’était une femme d’argent : elle se plaçait donc à un autre point de vue. Elle se disait que cette allée, devenue un chemin public à la Révolution, coupait sa propriété en deux, et que sa disparition ainsi que celle de deux grands communaux qui l’avoisinaient réunirait en un seul tenant cet immense domaine, ce qui lui donnerait une énorme plus-value. Comme, en acquérant la terre d’Auberoque, elle avait voulu, non seulement satisfaire ses visées de gloriole, mais faire une spéculation, tout ce qui pouvait en augmenter la valeur vénale lui était bon.
Malheureusement pour elle, on n’était plus au siècle où le prince de Condé à Chantilly, le duc de Chevreuse et d’autres encore autour de leurs châteaux, enfermaient d’autorité dans leurs parcs les