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veillance… S’il est besoin de parler à monsieur le directeur pour faire passer ces condamnations en non-valeur, j’irai un de ces jours à Périgueux…

Le receveur fit un geste qui signifiait : « Comme vous voudrez ! » et s’inclina légèrement pour répondre au salut de M. Duffart, qui s’en alla.

Pour les bonnes gens de la campagne, on n’allait pas les voir, mais ils venaient, et, selon les us anciens, ne venaient pas les mains vides. Les cadeaux affluaient à Belarbre : chapons, lièvres, perdreaux, belles carpes de la Vézère, grosses comme un enfant de dix mois, et barbeaux monstrueux dont la tête grasse est délicieuse au court-bouillon. Ces braves paysans ne s’offusquaient pas, eux, des façons lestes de mademoiselle Duffart. Au contraire, cette familiarité libre, qui provenait d’un défaut d’éducation, d’un manque de tact, d’habitudes soldatesques, leur paraissait procéder d’un esprit d’égalité populaire et démocratique, ce qui les flattait. Aussi, après avoir trinqué avec monsieur, avec mademoiselle, après avoir reçu de bonnes poignées de main et force promesses en échange de leurs présents, ils s’en retournaient disant :

— Ils ne sont pas fiers !

Mademoiselle Duffart trouvait tout cela charmant : elle aimait à jouer à la femme politique et se complaisait à être sollicitée. Ravie d’être indirectement quelque chose « dans les huiles », comme elle di-