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qui restait de son traitement, saisi en partie, passait à l’entretien du ménage, et quelquefois, en une extrême urgence, à calmer de pauvres diables qui avaient perdu leur petit avoir dans la « Société d’Escompte du Périgord noir », et qui, sans cela, eussent fait du scandale.

En somme, grâce à sa prestance, son aplomb, sa faconde, au bon renom de son père, et surtout au défaut de personnalité influente dans le canton, M. Duffart faisait quelque figure à distance et imposait au vulgaire ; mais ceux qui le connaissaient bien n’en faisaient pas grand compte.

Tel était l’homme qui cherchait à se lier avec madame Chaboin, attiré par la fascination des millions et le désir de se concilier une femme qui disposait d’une centaine de voix.

La châtelaine, qui connaissait la situation équivoque et gênée du conseiller-inspecteur, le laissait venir. M. Duffart avait déposé une carte cornée avec un mot poli ès mains de M. Benoite pendant une des nombreuses absences de madame Chaboin qui, dans son instabilité inquiète et maladive, partait quelquefois brusquement pour Paris, touchait barre à son hôtel des Champs-Élysées où elle changeait de vêtements, et, incontinent, repartait pour Auberoque. Madame Chaboin s’était bornée à envoyer sa carte à M. Duffart sans un mot de regret pour son absence, en sorte que le conseiller, habitué à cette déférence