lassement, se laissait secouer au bruit des grelots et regardait machinalement, à travers la vitre obscurcie et striée par la pluie, les peupliers dépouillés défiler lentement, à peine visibles dans le brouillard gris. La nuit tombée, à la première côte, le conducteur alluma sa lanterne, dont les reflets se jouèrent en sautillant sur les chevaux ruisselants d’eau. De temps en temps, la voiture dépassait une maisonnette au bord de la route, qui, par son petit « fenestrou », laissait entrevoir la faible lueur du foyer où cuisait le souper de la famille.
À Lamarque, la diligence s’arrêta devant une auberge indiquée par un brandon de houx, — d’ « agrafeil », comme on dit dans le pays, — et le conducteur alla faire son « chabrol » habituel. Après avoir mangé quelques cuillerées de soupe debout devant le feu qui faisait fumer sa blouse humide, il remplit de vin à moitié l’assiette à calotte et but à même. La dernière goutte avalée, il se passa la main sur les babines, tourna, vira dans la cuisine, avec des gestes et des hochements de tête qui corroboraient ses paroles :
— Cochon de temps !… Et un voyageur en tout !… Par-dessus le marché, pas de commissions !… Je ne gagne pas le foin de mes chevaux ! non, le diable me crâme !
Ayant fait ses complaintes à la vieille de l’auberge, dont la coiffe s’agitait doucement comme qui